Cinq
pièces d'une même feuille de métal oxydée, rouillée, recouverte
d'une peinture écaillée jaune, ont été découpées et assemblées
par des coutures de fil de fer. L'animal est un crustacé hybride :
sa gueule, cousue de brins métalliques, fanons ou dents acérées,
évoque pêle-mêle la baleine, la pince du crabe, ou encore un
macro-insecte d'Amazonie (cerf-volant ou scarabée géant). Trois
pattes pointues peuvent propulser la bête à grande vitesse, qu'une
queue de poisson peut bien dédoubler. L'épiderme de cet étrange
animal – un hybride dirait-on – est un monde à lui seul. Les
cloques, arrachements de matière, corrodations et patines multiples
lui donnent un air de surface de vieille planète. Une vieille
rengaine.
La
forme même de cette curieuse monstruosité ne va pas sans évoquer
certains cancers des églises médiévales. Les sculpteurs romans et
gothiques aimaient à représenter, à l'ombre des porches sculptés
des sanctuaires, le zodiaque. Celui-ci formait arche, dédoublant
celle des travaux des champs qui évoquait les saisons :
conception cyclique du temps. Ce bestiaire trahissait une certaine
résurgence païenne et sauvage, de celles qui réaffirment un
postulat fort : la lune fait les marées, les astres jouent
la Terre, de surcroit la vie. Le crabe de Catherine Ursin garde en
ses formes ce savoir hors temps, paradoxale mémoire.
C'est
son efficace
qui se joue dans ses découpes, son aspect rude, son antique patine.
Il est un crabe au-delà des crabes, en-deçà d'eux comme au-dessus.
Un ancien type, un père mythologique, un archétype de la forme
« crabe ». Il s'oppose au savoir tout fait. Il ouvre une
brèche dans notre connaissance – somme toute si étriquée – de
la forme « crabe ».
BB, mai 2012
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