Architectures hors discipline
Émergence, institutionnalisation et perspectives de conservation d’une pratique en voie d’artification
Reprise du séminaire du CrAB – Collectif de réflexion autour de l’Art Brut
Institut national d’histoire de l’art (INHA)
2 rue Vivienne – Paris, 2ème arrondissement – Salle Walter-Benjamin
Séance du samedi 24 novembre 2012 / 9h30 – 13h00
Organisée par Roberta Trapani
Vue
de la salle "Habiter poétiquement", Lam, section Art Brut : à gauche,
des objets en mosaique réalisés par Josué Virgili (1907-1991); à droite et au fond, des barrières historiées et des sculptures totemiques réalisées par Théo Wiesen (1906-1999).
Dans le cadre de son séminaire 2011-2012
consacré à la notion d’intention, le CrAB (Collectif de réflexion autour
de l’Art Brut) focalisera sa séance « architectures hors discipline »
sur l’analyse de certaines étapes du processus d’artification de la
création environnementale populaire. La notion d'artification a
été inventée par la sociologue Roberta Shapiro (Heinich, Shapiro, 2012)
pour définir tout processus de transformation d’une pratique quotidienne
modeste en une activité instituée comme art et définie comme un genre
nouveau. « Impossibles à ranger dans des catégories conventionnelles »
(Becker, 1988), depuis plusieurs années les productions
environnementales réalisées par des créateurs autodidactes et marginaux
appartenant majoritairement aux classes populaires interrogent non plus
uniquement les amateurs, mais aussi toute une nouvelle frange de
critiques, conservateurs et chercheurs qui tendent à faire advenir un
nouveau monde de l’art. Ce processus d’artification étant encore en
cours, les résistances à son déploiement ne manquent pas de se
manifester. Si l’on se réfère, par exemple, au point de vue de leurs
auteurs, ces œuvres sont le plus souvent éloignées du monde de l’art. La
plupart des créateurs ne revendiquent pas pour eux-mêmes le
qualificatif d’artiste, ni pour leurs créations celui d’art ou d’œuvre.
Dépourvus du langage des arts, dans leurs discours ils se référent
plutôt au monde du travail, en mettant en avant la prouesse technique de
leur entreprise. Pourtant, ils réservent à une partie de leur
production un traitement symbolique. Dans l’espace domestique ou dans un
espace à part, mais toujours inscrit dans la quotidienneté, ils mettent
en scène des objets soigneusement sélectionnés dans leur production.
L’espace qui résulte de cette muséification est un lieu spécifiquement
adressé à un public où l’auteur construit et représente son identité
personnelle. Des très modestes lieux de vie prennent ainsi la forme
d’égo-musées (Moulinié, 1999), des lieux fortement identitaires où la
frontière entre production extra-ordinaire et quotidienneté ordinaire
s’efface. Cette caractéristique a passionné les surréalistes, dont les
travaux ont contribué à déclencher depuis les années 1930 un lent
processus de reconnaissance artistique de ces « productions oeuvrières »
(Moulinié, 1999), processus qui a graduellement entraîné la protection
patrimoniale, muséale ou éditoriale de certaines d’entre elles.
En qualifiant esthétiquement ces créations
d’amateurs de monuments historiques ou d’œuvres d’art, en les incluant
dans le classement patrimonial ou en leur réservant des espaces et des
modalités spécifiques d’exposition dans des musées d’art brut, on leur
offre souvent leur seule chance de survie. Cependant, pour permettre
cette protection, on est souvent obligé de morceler ces créations, de
les déplacer, en les coupant de leur contexte d’origine ; ou bien, si on
les conserve in situ, on tend à les institutionnaliser, en
modifiant ainsi leur essence et leurs conditions d’existence. La
transformation de ces objets en œuvres d’art implique en effet un
processus complexe de changement de trois registres de valeurs :
éthique, esthétique, économique. Comme s’opère alors ce glissement de
valeurs ? Quelles sont les opérations, pratiques et symboliques, par
lesquelles on institutionnalise aujourd’hui ces objets comme œuvres, ces
pratiques comme art et leurs auteurs comme artistes ? Qui sont les
acteurs de ce processus d’artification ? Voici quelques-unes des
questions qui seront abordées lors de cette deuxième séance du séminaire
du CrAB consacrée aux architectures hors discipline, poursuivant une
réflexion commencée en 2011.
Déroulement de la séance
09h30 : Accueil
09h45 : Introduction par Roberta Trapani
10h00 : Communication de Véronique Moulinié,
anthropologue-ethnologue, chargée de recherche au CNRS, ses thèmes de
recherche sont entre autres l'anthropologie de l’érudition et l’anthropologie de l’entreprise et du monde ouvrier.
10h30 : Discussion avec le public
10h45 : Emilie Champenois, présente son entretien teinté de psychanalyse et de poésie avec Frédéric Edelmann, journaliste au quotidien Le Monde, critique d’architecture, spécialiste de l’architecture contemporaine en Chine.
11h00 : Diffusion exclusif de l’interview de Frédéric Edelmann (15 minutes)
11h15 : Pause
11h30 : Communication de Lucienne Peiry, ancienne
directrice de la Collection de l'Art Brut, elle est depuis 2012,
directrice de la recherche et des relations internationales à la
collection lausannoise.
12h00 : Communication de Savine Faupin, Conservatrice en chef en charge de l'art brut au LAM : Lille métropole musée d’art moderne, d'art contemporain et d'art brut.
12h30 : Discussion
Vous souhaitant bonne réception et vous espérant nombreux à venir partager ce moment autour de l'art brut,
https://www.facebook.com/events/243415635786804/
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Emilie Champenois et Roberta Trapani pour le CrAB
Collectif de réflexion autour de l'art brut
3 rue Christian Dewët (c/Brun) - 75012 Paris
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